JJ BEHM m'a demandé un commentaire sur un exposé de Vadim Zelichenok (Russie) au cours du colloque the winning difference
Je vous livre en substance les principales idées de l'intervention du coach et ex dtn. Nous pourrons discuter le point de vue de cet auteur et des autres intervenants lors d'un prochain stage PEPS puisque je ne peux plus vous les transmettre en réunions ETR.
J'ai surligné en rouge celles qui servent de support à mes commentaires personnels.
Chers collègues,
Est-il possible de combiner les performances des jeunes et des juniors avec une carrière d’athlète de haut niveau ?
Quel est le meilleur âge pour commencer un entraînement athlétique sérieux et quel est le principe de préparation, c'est-à-dire quelle méthode est la meilleure, soit la spécialisation, soit commencer par les épreuves combinées ?
Quand est-il judicieux de commencer la préparation technique ?
Les athlètes doivent-ils changer d’entraîneur ou vaut-il mieux que ce soit toujours le même entraîneur qui s’occupe du même athlète ?
Lors de mon intervention, j’aborderai les sujets suivants :
1. les différentes combinaison du couple « entraîneur – athlète », lorsque la performance de haut est accomplie
2. les différents aspects de l’entraînement et des compétitions pour les athlètes du top mondial
J’aimerais revenir sur notre passé récent et vous rappeler le système de préparation des athlètes qui existait en république démocratique allemande. En principe la RDA avait pris le système russe comme base de fonctionnement, puis ils l’ont amélioré et, ce qui est le plus important, l’ont strictement appliqué. Je pense que ce système était pratiquement idéal du point de vue organisationnel, même s’il a été excessif. J’aimerais vous rappeler brièvement ce que cela signifie :
A l’âge de 10-13 ans les futurs athlètes étaient entraînés dans des centres d’entraînement qui existaient partout dans le pays. Lors des 3 premières années, les enfants étaient entraînés selon un programme, élaboré et approuvé par le Conseil Suprême des sports de RDA, sans aucune spécialisation dans aucune des épreuves concrètes de l’athlétisme, ni dans aucun groupe d’épreuves. Tous les six mois, on organisait des sessions de tests, ce qui entraînait l’exclusion des athlètes n’ayant pas obtenu un nombre de points suffisant, mais ces enfants pouvaient rejoindre des groupes de fitness et revenir dans les centres d’entraînement plus tard ou rejoindre d’autres sports. Les athlètes qui réussissaient à suivre le programme étaient promus dans des classes sportives qui étaient le niveau suivant de la préparation. Ces classes sportives opéraient en liaison avec les clubs sportifs. Un certain nombre de ces athlètes, pas plus de 20-25%, ne sortaient pas de ces centres de préparation.
Les entraîneurs qui travaillaient dans les centres d’entraînement, par contrat, ne devaient pas prévoir de suivre la préparation de leurs athlètes jusqu’au haut niveau. Habituellement, c’étaient des enseignants ou des athlètes qui complétaient leur carrière sportive, ils faisaient cela pour gagner un peu d’argent. Leur tâche consistait à suivre strictement et fidèlement le programme de préparation général, ce qui excluait pratiquement toute créativité à ce niveau de la préparation.
Le salaire de ces entraîneurs dépendait du nombre d’athlètes qui seraient promus au second niveau de préparation, c'est-à-dire dans les classes sportives. Plus il y avait d’athlètes qui atteignaient le niveau suivant, plus le salaire de l’entraîneur était élevé. S’ils le souhaitaient, ces entraîneurs pouvaient entrer dans les classes sportives, après avoir passé les examens adéquats.
Le salaire du staff d’encadrement des centres d’entraînement était également déterminé par le nombre total d’athlètes atteignant le niveau supérieur. Donc, les dirigeants surveillaient de près l’application des programmes de préparation.
La préparation en classe sportive durait réglementairement 6 ans. Les athlètes devaient rester sur le campus, la classe sportive se chargeant également de leur éducation. Leur emploi du temps était préparé de telle sorte que les cours scolaires se calquait sur les programmes d’entraînement, et leur nombre était de 10 à 12 séances par semaine.
Lors des trois premières années de la classe sportive, les athlètes entraient dans un groupe de spécialité (course de sprint et de haies, course de moyenne et longue distance, sauts, lancers, épreuves combinées). Autant que je sache la spécialisation fine commençait immédiatement au saut à la perche et à la marche.
Ensuite, la spécialisation à une seule épreuve commençait vers 16-17 ans. A ce niveau de préparation les entraîneurs de clubs de meilleur niveau rejoignaient le processus d’entraînement et prenaient en charge les meilleurs athlètes.
Les programmes d’entraînement étaient également élaborés et approuvés par le Conseil Suprême des sports, mais ils n’étaient pas aussi stricts que dans les centres d’entraînement. A chacun des niveaux suivants de la préparation, les entraîneurs avaient plus de liberté dans les plans d’entraînement, suivant tout de même quelques principes édictés. Ils étaient obligés de mettre en place un certain nombre de séances d’entraînement et une certaine charge horaire de travail.
Il était de règle que lors des 1 à 2 dernières années d’étude dans les classes sportives, les meilleurs athlètes étaient sélectionnés en équipe nationale junior de RDA et réalisaient alors fréquemment dès 17-19 ans des performances de niveau mondial. Je n’aborderai pas la question de la préparation pharmaceutique de ces athlètes, mais le fait est un fait : plusieurs athlètes de RDA, qui réalisèrent des performances de niveau mondial en junior, puis devinrent les leaders de l’athlétisme mondial, et restèrent au top mondial pendant 10 à 12 ans, rejoignant ensuite l’équipe nationale de l’Allemagne réunifiée. Certains d’entre eux participèrent aux jeux olympiques d’Athènes et aux championnats du Monde d’Helsinki. Je ne veux pas vous faire perdre votre temps en vous nommant des athlètes que tout le monde connaît.
Il est vrai qu’il y a eu quelques ratés à ce niveau de préparation, plusieurs athlètes de RDA, vainqueurs dans championnats du Monde et des championnats d’Europe Juniors, ne réussirent pas à maintenir leur niveau quand ils arrivèrent dans les compétitions seniors. Par exemple, l’équipe nationale de RDA remporta 21 médailles d’or , soit plus de la moitié des médailles mises en jeu des championnats d’Europe Juniors en 1981. Mais si je devais vous faire la liste de ces athlètes champions, vous ne vous rappeleriez pas qui ils étaient à l’exception de deux d’entre eux (Heike Dreschler, et Uwe Honh.
Il y avait un entraîneur chef responsable dans chaque groupe d’épreuves en charge de l’équipe nationale junior. L’un des entraîneurs était salarié en tant qu’entraîneur chef, responsable d’une spécialité. Ce groupe d’experts travaillaient de manière permanente pendant plusieurs années et ils étaient de véritables experts, des experts de haut niveau. Par exemple, trois entraîneurs chefs de l’équipe nationale junior de RDA sont aujourd’hui encore entraîneurs nationaux de la fédération allemande d’athlétisme. Je les ai vus lors des derniers championnats du Monde et d’Europe Junior.
Retournons aux entraîneurs des classes sportives. L’évaluation de leur travail,et, par conséquent leur salaire dépendaient de deux facteurs : le premier, comme dans les centres d’entraînement, le suivi strict des programmes d’entraînement et les efforts faits pour qu’autant d’athlètes que possible soient admis au niveau supérieur – le second. Le niveau de performance des meilleurs athlètes dans les compétitions internationales étaient également évalué.
Il était de règle que, environ 80% des athlètes, qui avaient réussi à atteindre les classes sportives, rejoignaient ensuite la préparation au sport de haut niveau en RDA – dans les centres d’entraînement, qui servaient de base à l’équipe nationale. Les entraîneurs des classes sportives, s’ils le souhaitaient, pouvaient intégrer un club, après avoir passé les examens adéquats. Mais ces cas étaient rares, c’était pratiquement le même groupe d’entraîneurs chefs et d’entraîneurs assistants qui étaient en charge de l’équipe nationale.
Pourquoi ai-je voulu vous rappeler les points principaux de ce système ? Le fait est que de mon points de vue, c’est logistiquement le meilleur. Une autre chose est que cela nécessite un programme gouvernemental sérieux, un financement adapté, la discipline et la mentalité allemandes
Il y a eu des tentatives dans bien des pays socialistes pour mettre en place ce genre de système, mais il n’a jamais fonctionné aussi efficacement dans aucun autre pays qu’en RDA. Vous le savez tous très bien. Je suis sûr que ce système est impossible à mettre en place dans un grand pays, car il est très difficile de pouvoir assurer les mêmes conditions de préparation dans chaque région et il est aussi très difficile de contrôler le suivi des programmes.
Considérons des exemples spécifiques, dans ce système ou non, lorsque le changement d’entraîneur est forcé. J’aimerais vous donner des exemples de différentes combinaisons de la relation « entraîneur – athlète », qui ne concerneront que le niveau mondial. Bien sûr tous mes exemples seront basés sur ce qui se passe en Russie ou dans l’ancienne URSS.
Dans la plupart des cas, les athlètes de niveau mondial de Russie ou des pays faisant auparavant partie de l’URSS, continuent à fonctionner de la même manière. Ils commencent donc à s’entraîner vers l’âge de 10-12 ans ou rejoignent l’athlétisme après deux ou trois d’un autre sport. Ils se sont entraînés sous la direction d’un, au maximum deux entraîneurs jusqu’à la fin de la catégorie junior. Lorsque j’étais responsable de l’équipe nationale junior, j’ai toujours insisté pour que, dans la mesure du possible, les athlètes ne changent d’entraîneur qu’en senior, aux environs de 20 ans. Dans le même temps nous organisions des camps d’entraînement pour les équipes nationales juniors et les seniors conjointement au moins 2 à 3 fois par an. Cela permettait aux jeunes athlètes, d’un côté, de profiter de l’expérience de leurs collègues plus matures et plus forts, et d’un autre côté, les entraîneurs de l’équipe nationale prenaient contact avec ces athlètes et leurs entraîneurs qui étaient susceptibles d’intégrer l’équipe nationale dans les années à venir. Je pense qu’au moins 70 à 80% des meilleurs athlètes de Russie et de l’ex URSS sont passés par cette procédure et je ne vous donnerai pas d’exemple précis tant leur nombre est grand. Je pense que ce genre de pratique est très usité dans bon nombre de pays. Je préfère vous donner les exemples de ce qui ne sont pas passés par ce schéma.
Je souhaiterai commencer par les exemples qui concernent les athlètes qui ont commencé leur carrière avec un entraîneur et ont atteint avec lui leur meilleure performance. C’était le cas (et je suis sûr que ce ne sont pas les seuls) d’Elena Isinbaeva avec son entraîneur Evgeny Trofimov, Svetlana Feofanova et Evgeny Bondarenko. Dans le même genre nous avons Radion Gataullin et son entraîneur Valery Kogan, Liudmila Galkina et Svetlana Khoziasheva.
Parmi les exceptions nous avons le cas de Serguei Bubka et Maxim Tarasov. Ils ont eu deux entraîneurs principaux chacun (je ne mentionne pas les autres spécialistes qui les ont aidé dans les domaines de la gymnastique et des acrobaties, même si leur rôle a été très important).
Parlons de Serguei Bubka. Il a commencé à s’entraîné avec Vitaly Petrov, quand il était enfant, il remporte les jeux olympiques et les championnats du Monde, bat plusieurs records du Monde, mais en 1990 ils se séparent. Serguei commence alors à s’entraîner avec Evgeny Volobuev et ils remportent 4 titres de champion du Monde et améliorent son record du Monde plusieurs fois. Je pense que vous serez tous d’accord pour dire que c’est Vitaly Petrov qui a fait Bubka, qui a fait de lui un athlète qui a été admiré par le monde entier. J’ai eu l’occasion de parler avec Serguei il y a peu de temps et il m’a dit « j’ai été très chanceux de trouver Vitaly Petrov, mais il a été aussi chanceux que je l’ai été ». Personnellement je suis très heureux de voir que Serguei et Vitaly sont restés amis/
Maxim Tarasov a suivi la même route. Il remporte l’argent aux championnats du Monde Junior en 1998 avec Aleksey Skuliabin, l’année d’après il devient champion d’Europe Junior et bat le record du Monde Junior – 5m80, qui n’a jamais été amélioré depuis. En 1991, il remporte le bronze au championnat du Monde à Tokyo puis remporte les Jeux Olympiques. Leur collaboration a cessé en 1996 et Maxim commence à s’entraîner avec Boris Volkov, qui était l’assistant de Skuliabin. Comme vous le savez certainement, Maxim continua à remporter des succès avec son nouvel entraîneur, il remporte les championnats du Monde en 1999 et gagne une médaille aux Jeux Olympiques de Sydney, malgré le fait qu’il avait été gravement blessé en 2000. Encore une fois, je répète que je suis convaincu que c’est Aleksey Skuliabin qui a joué le rôle le plus important dans la belle carrière de Maxim, comme c’était le cas pour Petrov et Bubka.
Je suis sûr qu’il existe d’autres exemples, quand un entraîneur mène son athlète au top niveau, mais bien des entraîneurs répète la même erreur, ils ne sentent pas le moment, lorsque leur athlète n’est plus un enfant, ils ont grandi et sont devenus adultes, mais les entraîneurs continuent de les traiter comme des enfants. Il en résulte de fréquents conflits, qui ne sont pas toujours liés à l’entraînement ou la compétition mais à la personnalité des caractères. Si l’entraîneur à la clairvoyance nécessaire pour faire évoluer psychologiquement le style de leur relation, l’union peut se poursuivre positivement.
Malheureusement, il y a plusieurs exemples où les conflits entre l’entraîneur et l’athlète mûr sont très profonds et mène à la rupture. La coopération avec un nouvel entraîneur ne mène pas toujours au succès. Dans cette situation les efforts de l’entraîneur national pour tenter de trouver un compromis entre l’athlète et l’entraîneur est rarement un succès. Dans mon cas, je n’ai que très peu d’exemple où j’ai réussi à trouver un point d’entente entre l’entraîneur et l’athlète, mais pour ceux là, la coopération a pu reprendre après un certain temps.
Un autre type d’exemples. Il y a quelques cas, où les athlètes se sont entraînés à leurs tout début avec leurs parents et ont réussi. Quelquefois, des parents qui avaient été de remarquables athlètes (Ianis Lusis, Alexandr Makarov), mais le plus souvent ils étaient des athlètes très moyens (par exemple, l’entraîneur Vladimir Rybakov et son fils Joroslav, Gennady Kuptsov et sa fille Marina, Galina Shkurlatova et son fils Vitaly, Tatiana Klimenko et son fils Alexandr, etc…)
Une autre pratique commune, est celle des maris, ou moins souvent celle des femmes, qui prennent la responsabilité d’entraîneur personnel. Là différents options sont possibles :
Le plus souvent on voit la coopération entre l’entraîneur et l’athlète muer en relations humaines proches, ils se marient, continuent à travailler ensemble, comme Irina Privalova, Stefka Kostadinova, Gabriela Sabo, Olga Egorova, Olga Kuzenkova, Tatiana Kotova, Jacky Joiner).
On voit également l’athlète s’entraîner avec un entraîneur, remporter des victoires, gagner beaucoup d’argent, et à ce moment le mari, qui n’a rien à voir avec le sport du tout, d’autant moins avec l’athlétisme, décider brusquement de garder tout l’argent dans la famille et devenir l’entraîneur de sa femme. Bien souvent, les connaissances acquises avec le précédent entraîneur, sont suffisantes pour continuer un ou deux ans, puis les résultats chutent. En considération de l’éthique que nous nous devons de respecter, ej ne vous donnerai pas de noms, je vous demande de me croire – il y a eu et il y a des exemples assez nombreux.
Toutefois, ce n’est pas si simple. Je pourrai vous donner deux exemples qui ne rentrent pas dans mes modèles.
Elena Nikolaeva, championne Olympique et championne du Monde. Il y a plus de 10 ans, elle fut une athlète de niveau mondial, elle rompt avec son entraîneur et commence à s’entraîner avec son mari Anatoly, qui entraînait des enfants. Toutefois, Anatoly a été très sérieux envers ses nouvelles responsabilités, sans cela Elena n’aurait pu remporter les Jeux Olympiques. Son autre athlète Vladimir Andreev remporte la médaille de bronze aux Jeux de Sydney, et une jeune athlète Vera Sokolova remporte les championnats du Monde des moins de 18 ans en 2003, et en 2004 remporte l’argent aux championnats du Monde Junior. Maintenant Anatoly est un véritable entraîneur élite de la marche.
Un autre exemple est celui de la célèbre sauteuse en hauteur Inga Babakova qui rompit avec son entraîneur et commença à s’entraîner avec son mari, qui était auparavant navigateur. Malgré cela, il a réussi à la maintenir à sa place dans l’élite mondiale jusqu’à un âge très mature pour une sauteuse en hauteur – 37 ans.
Un autre de ces brillants exemples, nous vient de la natation. Vous vous rappelez tous du nom de Vladimir Salnikov, qui remporta deux médaille d’or aux Jeux Olympiques de Moscou en 1980. Au milieu des années 80, ses résultats commencèrent à baisser, il rompit alors avec son entraîneur et commença à s’entraîner sous les conseils de sa femme Marina. Je connais très bien Marina, nous avions étudié ensemble à l’université, elle était une honorable coureuse de 400m. Pour parler franchement, je ne sais pas du tout si elle sait nager, mais elle n’a pas eu peur de devenir l’entraîneur du champion olympique, détenteur du record du Monde. Tout le monde était sceptique quant à son projet, mais en 1998 Vladimir remporte les Jeux Olympiques sur 1500m, alors que tout le monde le pensait fini.
Je vous ai donné tous ces exemples pour vous montrer qu’il existe des exceptions dans notre sport, qui ne suivent pas les règles communes établies, mais, ils mènent vers des médailles olympiques, ils ont droit de cité.
Malgré tout, je préfère l’exemple de Svetlana Masterkova. Elle est née et a grandi dans la petite ville de Achinsk en Sibérie dans une famille très modeste. Elle réalisé de très bons résultats dès l’âge de 16 ans, courant le 800m en 2’02. Toutefois, ses performances n’étaient pas stables, elle n’était pas disciplinée. Je peux parler de cela ouvertement, puisque Svetlana n’a pas caché ces faits dans sa biographie. A 20 ans, Svetlana déménage à Moscou, change plusieurs fois d’entraîneur, réalisant parfois de très bonnes performances. Finalement, elle commence à s’entraîner avec Svetlana Styrkina, qui était une athlète de classe mondiale dans les années 70. Un entraîneur de Styrkina, Iakov Elianov, qui avait monté un groupe de coureuses de haut niveau, a assisté à cette coopération. Les résultats de Masterkova s’améliorèrent mais sans aucune stabilité. En 1992, elle fut blessée dans les séries des Jeux Olympiques et en 1993, ayant réalisé la meilleure performance mondiale de la saison, elle ne termine pas la course à cause de la blessure contractée lors des championnats de Russie. Svetlana envisage alors d’arrêter là sa carrière, mais c’est à cette époque qu’elle rencontre son futur mari Asiat Saitov, qui était cycliste professionnel. Asiat a considérablement modifié sa psychologie. Svetlana soigna ses blessures, fut absente une saison, donna naissance à une fille et moins d’un an après elle vint me voir avec son entraîneur et me dit vouloir préparer les Jeux Olympiques d’Atlanta. A cette époque j’étais DTN de l’équipe nationale de Russie et ces années étaient très difficiles car nous manquions cruellement d’argent pour la préparation de nos équipes. Malgré cela, connaissant les capacités de ces deux dames, je crus en leur succès, nous réussîmes à trouver de l’argent pour se préparation et vous connaissez le résultat, elle remporta deux médailles d’or à Atlanta. Je pense, que dans ce cas, les deux médailles peuvent être partagées en trois parts égales : l’un revient à Svetlana, la seconde à son entraîneur et la troisième à son mari, qui n’interféra pas dans le processus d’entraînement mais soutint totalement Svetlana psychologiquement.
Une pratique bien connue est celle de l’athlète mûr, finissant sa carrière sportive et qui devient peu à peu un entraîneur actif. Lorsqu’ils arrêtent la compétition, les athlètes peuvent devenir très rapidement des entraîneurs de très haut niveau. Ekaterina Podkopaeva, Radion Gataullin peuvent servir d’exemple, Ekaterina Kulikova, qui a arrêté la compétition il y a seulement deux ans a mené sa jeune camarade d’entraînement Natalia Antiukh sur le podium olympique. Natalia fut 3ème du 400m à Athènes et remporta l’argent dans le relais 4x400m. Nous pouvons aussi citer Khristo Markov, Linford Cristie et chacun de vous pourrait certainement citer ses propres exemples.
Bien sûr, la situation idéale est celle où le changement d’entraîneur est planifié à l’avance. Yuri Borzakovsky en est un bon exemple. Il s’est entraîné avec Liubov Miroshnichenko lorsqu’il était jeune, mais à partir de 17 ans il a reçu l’aide d’un entraîneur expérimenté Viacheslav Evstratov, participant à l’élaboration de ses plans d’entraînement et à leur mise en application. C’est pourquoi, lorsque Yuriest entré dans le groupe de Viacheslav Evstratov, la transition s’est faite sans peine, ce qu’ont montré les résultats récents de ces dernières années. Dans un cas comme celui-là la tâche du DTN est d’assister le premier entraîneur, qui n’a pas forcé la préparation du jeune athlète, mais l’a entraîné progressivement le menant vers une carrière sportive sérieuse puis a poussé cet athlète entre « de bonnes mains », afin qu’il continue à garder le contrôle et donner un soutien moral à l’entraîneur actuel. La pratique prouve que cette tâche est réaliste.
Malheureusement, il y a aussi des exemples négatifs, pas seulement auprès des jeunes. Il y a de nombreux soit disant spécialistes, qui trouvent différentes formes d’influence sur les athlètes dans le but de pratiquement les garder sous leur joug. J’ai des mentionné le cas des époux et maintenant je vais vous parler de quelque chose de différent. Dans tous les pays, on trouve tout un tas de drôles de types, qui ne souhaitent pas repérer, sélectionner et entraîner leurs propres athlètes, mais sont vraiment très doués pour attirer des athlètes talentueux. Il va sans dire que ces soit disant spécialistes sont très bons psychologues, ils trouvent les bonnes motivations quand ils s’adressent aux athlètes et le font au bon moment. Sauf de rares exceptions, ces changements ne mènent à aucun résultat positif. Tout d’abord, l’entraîneur est sérieusement abusé, et bien souvent il l’oublie. Ensuite, ces nouveaux entraîneurs n’utilisent pas toujours les bonnes méthodes dans leur entraînement.
Je ne tiens pas à vous dire des banalités mais il est évident que lorsque un athlète de haut niveau change d’entraîneur et que ses performances progressent soudainement, la tâche du DTN n’est pas de se réjouir de ces progrès mais d’observer attentivement quelles méthodes ce groupe utilise.
Je me dois d’attirer votre attention sur un certain nombre de plusieurs régularités générales, qui sont communes aux différents sports et la personnalité de la carrière des athlètes de haut niveau.
Premièrement : plusieurs d’entre eux proviennent de familles à faible revenus avec beaucoup d’enfants. J’ai fait l’analyse d’environ une centaine de jeunes athlètes, qui ont intégré l’équipe nationale junior de l’Union Soviétique et je peux vous dire que plus de 60% d’entre eux provenait de la couche de la société mentionnée plus haut. Prenant en compte la morale, je ne vous donnerai pas de noms, mais, croyez moi, plusieurs des athlètes soviétiques et russes qui sont devenus champions olympiques ou champions du Monde ont commencé leur carrière sportive dans des conditions difficiles.
Un autre exemple : il y a deux ans nous avons organisé une rencontre de type Kids Athletics sous l’égide de l’IAAF pour les orphelins. La rencontre a eu lieu sous le patronage et en présence de la championne olympique Irina Privalova et Yuri Borzakovsky. Lors de la conférence de presse qui précédait la compétition Yuri dit qu’il était reconnaissant au sport, qui avait fait de lui un être humain normal. Il dit que certains de ces camarades d’école ou de ces voisins étaient en prison maintenant. Je pense que cette situation est typique dans bien des pays, c’est pourquoi le niveau de responsabilité du premier entraîneur, qui entraîne l’athlète dans sa jeunesse, est très important. Il est le premier responsable de la construction de sa personnalité.
Je comprends bien que dans un certain nombre de pays développés, ayant des facilités pour l’implantation des différents sports, la baisse des résultats de l’équipe nationale survient plus parce que de jeunes garçons et de jeunes filles manquent de motivation pour arriver jusqu’au plus haut niveau. Ils peuvent parfaitement réussir dans bien des domaines que la vie leur propose sans dépenser des efforts tels que le sport professionnel en requière.
Maintenant je souhaiterais passer à la seconde partie de mon exposé, l’analyse des carrières sportives d’un grand groupe d’athlètes de haut niveau dans le monde. En principe cette analyse est relatée dans mon article : « ANALYSE DE LA PRATIQUE DE COMPETITION A LONG TERME DES ATHLETES DE NIVEAU MONDIAL » qui a été publié dans le journal « IAAF New Studies in Athletics » (je souhaite vous rappeler que depuis 2005 ce journal est également publié en langue russe). Je voudrais discuter brièvement de certains points publiés dans cet article et ajouter de nouvelles données, qui sont en relation étroites avec le sujet de mes présentations.
Dans un premier temps, la compétition pour l’obtention d’une médaille dans les compétitions majeures augmente continuellement. Je ne veux pas vous faire perdre votre temps en vous citant des exemples, vous les connaissez tous. Dans cette situation la plupart des athlètes font face aux difficultés en répétant ce qui a fait leur succès.
Il est évident que la question principale de l’athlétisme moderne est la manière de transférer les bonnes performances réalisées en junior au niveau de l’élite mondiale.
L’analyse de la carrière sportive des athlètes qui ont participé aux championnats du Monde Junior à partir de 1986 permette de tirer quelques conclusions :
1. 75 athlète parmi tous les participants des championnats du Monde Juniors sont devenus champions olympiques (42 hommes et 33 femmes), les derniers Jeux Olympiques ayant considérablement allongé cette liste, y ajoutant 19 nouveaux noms.
Ayant analysé la carrière sportive d’un grand nombre d’athlètes de niveau mondial (environ 1500), j’ai défini 4 groupes. Afin de gagner du temps, je ne vous donnerai pas de noms.
Le premier groupe, très représentatif, pour lesquels la carrière sportive peut être définie comme idéale puisque ces athlètes après avoir remporté les championnats du Monde ou le championnat d’Europe Junior devinrent médaillés olympiques ou champion du Monde. Ce groupe compte environ 50 personnes, dans les différentes épreuves de l’athlétisme.
Le second groupe diffère un peu du premier en quantité et en qualité. Il représente les athlètes qui jouèrent un rôle mais pas les principaux dans les championnats du Monde Juniors, réalisant de bons classements ou se qualifiant pour les finales, puis devinrent plus tard des stars de l’athlétisme mondial. Bien souvent ils surpassent en performance les athlètes qui avaient remporté les championnats du Monde Junior.
Le troisième groupe représente les athlètes qui n’ont connu aucun grand succès en junior ou dans leur jeune âge, ne firent parti d’aucune équipe nationale, mais, toutefois, devinrent ensuite des stars. Cette liste, toutefois, est la moins représentative, mais malgré tout, très impressionnante.
Et pour finir, le quatrième groupe représente les athlètes qui furent brillants en junior puis disparurent ou devinrent des athlètes moyens. Je ne citerai pas de noms parce que bien des experts les ont oubliés. Mais je dois vous dire avec regret que leur liste est très longue. L’analyse des championnats du Monde Junior montre qu’environ 60-70% des vainqueurs ou des médaillés n’ont rien gagné de majeur en senior.
Résumons ce qui a été dit, il me semble que nous pouvons énoncer deux conclusions. La première est que, selon l’analyse de la liste des vainqueurs et madaillés des compétitions officielles majeures ayant eu lieu ces dernières années, prouve qu’environ 70% de ces athlètes avaient déjà réalisé de très bonnes performance étant jeunes, prenant les premières (voire la première) places dans les principales compétitions juniors. Cette conclusion est vraie pratiquement de manière égale dans toutes les disciplines de l’athlétisme. Pour la suite de la carrière sportive des futures stars, la place prise dans les championnats juniors est sans importance – premier, second ou huitième ou dixième.
Une autre évidence est que bien des athlètes de haut niveau ayant commencé à remporter des victoires dans les championnats juniors et avant, sont vainqueurs des compétitions majeures pendant deux à trois olympiades, couvrant ainsi une période d’entraînement et de compétition d’environ 20 ans.
Il est donc évident qu’avec un travail de sélection correctement organisé, une préparation bien préparée sur le long terme et des compétitions organisées de manière rationnelle, les bons résultats réalisés par les jeunes n’entrave en rien la carrière à venir et la rend même plus fructueuse et plus longue. Dans le même temps, les athlètes qui atteignent le haut niveau à un âge plutôt mature, ne gardent leur place de leader que pendant 5-6 ans.
Mon opinion est donc qu’il faut commencer l’athlète aussi tôt que possible. L’autre chose est la manière dont on le pratique. De mon point de vue, le programme « Kids Atheltics » de l’IAAF est l’outil idéal pour amener les jeunes à l’athlétisme. Il présente une approche totalement nouvelle à travers les pratiques d’initiation de l’athlétisme.
Je pense que beaucoup d’entre vous connaissent ce programme, c’est pourquoi je souhaite répéter très brièvement les points suivants :
o Ce programme permet de gérer un grand nombre d’enfants (plus de 100 enfants peuvent pratiquer en même temps)
o Ce programme s’appuie sur le principe des relais sous forme de jeu. D’un côté il apporte des émotions fortes et donne le goût de l’entraînement et de la compétition, que l’on a bien souvent du mal à atteindre lorqu’on organise des compétitions avec des épreuves individuelles. D’un autre côté, les enfants commencent par apprendre les bases des différentes disciplines athlétiques.
o Ce programme ne nécessite pas de piste ou de stade couvert, il peut être organisé n’importe où
Autant que je sache, l’IAAF améliore ce programme, cherchant à atteindre les objectifs principaux du Plan Mondial pour l’Athlétisme, qui a pour but de faire de l’athlétisme le sport numéro un des programmes scolaires.
Enfin il devrait permettre d’attirer un plus grand nombre d’enfants vers un entraînement actif et à long terme, qui donnera l’opportunité d’augmenter la détection et la sélection des futures stars de l’athlétisme mondial.
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