Publiée le 12/05/2013
LE PORTRAIT DU DIMANCHE RAPHAËL PIOLANTIDieu du stade
La pêche au lancer, de marteau, habituellement pratiquée en eaux calmes et ignorées, peut rapporter gros. L’ancien champion Raphaël Piolanti est devenu un mentor. Elu meilleur entraîneur de l’athlétisme français.
Un Lorrain sur la piste aux étoiles. Depuis l’été dernier, le ciel n’arrête pas de lancer des clins d’œil lumineux à Raphaël Piolanti. Homme de la discrétion, projeté sur le devant de la scène. S’il avait tué dans l’œuf le stade des promesses depuis belle lurette, en tant qu’athlète abonné aux ruées vers l’or des podiums, le Mosellan n’avait pas encore séduit la consécration comme entraîneur. C’est fait.
Des cinq anneaux de Londres au printemps 2013, il a festoyé avec les honneurs. Après avoir été l’un des rares coaches au monde à avoir envoyé deux sélectionnés bleus sur les bords de la Tamise, ce gabarit de 100 kg a décroché la palme du meilleur entraîneur de l’athlétisme hexagonal. Il est aussi devenu manager de la fédération pour l’immense famille des lanceurs (marteau, disque, poids, javelot). « Mais logiquement, je n’aurais pas dû être élu » , claque le grand modeste. « On a quand même eu un champion olympique à la perche, non ? »
Rien n’est jamais acquis
Honoré par « cette reconnaissance du travail accompli » , dans son jardin amnévillois, il a laissé tranquilles, toutefois, les bouchons de champagne. Sachant que la réussite peut vous coincer entre le marteau et l’enclume. « Rien n’est jamais acquis », lui a inculqué Pierre Hue, son éducateur de toujours, trop tôt disparu. « Un guide, autant sur le stade qu’en dehors. Ses principes me sont restés. »
Marteau, complètement marteau. Un drôle de mot pour désigner cette boule de fonte de plus de 7 kg, reliée à un câble en acier et une poignée. Tourne, tourne manège, dans cette drôle de cage protectrice depuis l’âge de 12 ans. « Il enseigne d’une façon qui lui est propre , remarque Bertrand Hozé, son président de club et ancien directeur technique national adjoint. « Un œil remarquable, une expérience qui transpire, une compréhension innée. Ce qu’il réalise est hyper concret. Ses protégés lui ressemblent. » Parmi eux, le bel espoir du pays, Quentin Bigot. Jeune et déjà au sommet. « Raphaël s’investit à 100 %. Quelqu’un viendrait nous voir bosser, il quitterait vite, en pleurant, ce groupe de psychopathes ! Quand on n’est pas bien, on a droit aux grosses insultes ! » Pourtant, la voix chantonnante de ce fils de conducteur de camion et d’une secrétaire sait être celle de la sagesse : « Quand je vois arriver Quentin avec une vieille Porsche ou un chien, je lui dis qu’un sportif de haut niveau doit être libéré de certaines contraintes… »
Passionné et généreux
« Il est plus qu’un coach pour nous, s’enthousiasme son poulain. « On se voit en dehors, il nous invite chez lui ou au resto, file un coup de main en cas de travaux à faire dans les appartements. Notre relation perdurera au-delà du marteau. Bizarrement, la différence d’âge ne se fait pas sentir. Raphaël se cache derrière sa carapace. Il peut jouer au gros dur mais ses actes prouvent le contraire ! »
Norbert Brige, du département haut niveau au Creps (Centre de ressources, d’expertise et de performances sportives) de Nancy, le connaît depuis 1988 : « Un bon petit père sympathique, charmant, qui a toujours eu foi en l’athlétisme. Un acharné qui donne avec passion. C’est aussi le fidèle des fidèles. Un Lorrain dans l’âme ! » Bertrand Hozé de renchérir : « Il est tellement carré qu’une relation ne peut être compliquée avec Raphaël. »
Pourtant, un scandale, né d’un stage fédéral trop arrosé et amplifié par une médiatisation sans pitié suite à la plainte de deux lanceuses de marteau, l’avait méchamment rattrapé, ainsi que ses copains, dans les années 90. « Jeune, on manque de recul. J’ai été condamné (pour voie de fait) , j’ai payé (3 000 francs). Jamais cette affaire aurait dû prendre de telles proportions. Quand j’aurai une canne, on me parlera encore de ce truc …, avoue-t-il d’un sourire désabusé, alors que des casiers bien plus remplis restent anonymes. Mais avec ce qu’il m’arrive en ce moment, c’est que les gens m’aiment bien quelque part… » L’apparence musculeuse a vite fait de vous sculpter en brute épaisse quand vous êtes l’icône de la force. « Je sais qui je suis et ce que je vaux. Les gens croient souvent savoir, ils se trompent. », confie l’éducateur à la Ville d’Amnéville.
Lune de miel qui dure
Aux côtés d’Armelle, son épouse depuis 2007 et sa reine, qui l’a « transformé en lui apportant une vision différente de la vie » , il vit une lune de miel éternelle. « Nous avons quelques ruches dans une parcelle bien située, sans pollution. Les abeilles, c’est un petit monde exceptionnel. Je me passionne aussi pour la numismatique. » Malgré sa collection de pièces de monnaie anciennes, la fortune de Raphaël Piolanti est ailleurs. Dans un destin sportif que ne soupçonnait pas ce détenteur du CAP d’ajusteur. Devenu personnage élitaire, l’homme garde le cap du bon sens : « Avoir des certitudes ne signifie pas que l’on ne peut pas se tromper. »
Alain THIÉBAUT.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire