UNE COMÈTE DANS LE CIEL DE BERCY
Cela n’a duré que deux fois 21.44 secondes mais les six mille spectateurs ont vu et bien vu la trace de la queue de la comète, après une traversée éclair de l’enceinte rouge de Bercy.
Tu avais décidé de cesser de faire semblant, de passer à l’acte, de sexualiser ta pratique, de courir pour gagner un plus d’ÊTRE et pas seulement pour gravir une marche sur un podium déjà obtenu en 2009 ou grappiller quelques centièmes sur un record de Lorraine déjà amélioré en 2009.
La bursite et trois médecins + un kiné du sport,
Mes répétitions compulsives de monstre de coach surlignant à l’envi le moindre écart de trajectoire technique ou psychique
Trois adversaires plus forts sur le papier, dont le champion de France sortant et un jeune espoir favori de la presse, te ravalant au rang d’outsider,
Le manque de confiance des dirigeants de la ligue qui ne t’ont jamais exclu ni viré, mais dont tu attends encore l’aide 2009 et l’invitation en stage 2009 à l’ile Maurice, offerte à certains beaucoup moins performants que toi,
La doxa fédérale qui privilégie le haut niveau jeunes et ignore les talents semblables au tien,
Les défaillances de nombre de tes partenaires de Clan et de Cartel, te laissant seul face à l’énigme de ton destin,
Les études d’ingénieur et ton stage à Réseau Gaz de France, où tu as travaillé jusqu’à la dernière heure avant le départ pour BERCY et où tu étais lundi avant 7h30...
La liste est longue des obstacles à surmonter pour faire de l’athlé perf mais RIEN, RIEN, même pas une piste neuve qui s’est révélée peu rapide sur 200, n’a pu faire barrage à la force de ton DESIR, aiguisé par un travail de mentalisation au cours duquel le compétiteur se parle à lui-même dans un dialogue interne qui le met à nu.
Tu assumes désormais la différence entre DÉSIR et VOLONTÉ, tu n’acceptes pas encore totalement l’idée que l’exploit a un prix que l’athlète doit payer de sa personne, mais tu ne refuses plus l’idée de franchir ce dernier Rubicon.
Tu as admis qu’un coach ne peut pas entraîner TOUT ce qui fonctionne dans la réussite d’un champion puisque UNE part qui n’appartient qu’à l’athlète est une part INENTRAINABLE.
Ton cerveau te permet de comprendre la complexité de la condition humaine, tu sais expliquer la couleur du ciel avec des formules mathématiques, tu es capable de résister aux affects qui font sombrer les colosses aux pieds d’argile dans les moments compétitifs décisifs où il faut en AVOIR pour ÊTRE.
Tes mécanismes intellectuels sont des atouts pour résister au stress que je t’impose en permanence par mes exigences monstrueuses, qui me font flirter parfois avec les limites de la maltraitance, mais je ne sais pas faire émerger autrement le héros qui sommeille dans les signifiants majeurs successifs du CLAN.
Je te promets d’essayer de progresser mais les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Les conflits de génération, les débats idéologiques, pourraient faire éclater notre dyade écartelée entre rationalité scientifique et inconscient littéraire, mais elle résiste aux heurts et clivages culturels les plus ancrés.
Tu sais comment réduire à néant un coach qui sollicite ton voussoiement : en une accélération lumineuse tu transformes un vieux coach vociférant en jeune enfant en pleurs.
Après une telle prouesse IMAAD tu insistes pour accrocher la médaille à mon cou, mais tu n’obtiens pas plus satisfaction à Bercy qu’à Liévin car le vieux coach sait que son supposé savoir ne vaut que ce que le jeune athlète décide d’en faire. Il sèche ses larmes, retrouve sa voix de mentor, et ses défenses d’adulte, pour refuser le jouet de bronze ou d’or qu'une Comète tente de lui faire partager.
En refusant avec mon cerveau une offre qui comble mon cœur, je prolonge ta demande généreuse au lieu de l’épuiser dans un acquiescement.
La performance, je suis d’accord avec toi, est certes à la conjonction de deux désirs mais seul l’athlète peut gagner donc lui seul peut porter le symbole de la victoire. Le seul don que je peux accepter vaut plus qu’une médaille, c’est ton don de confiance qui est mon cadeau le plus précieux.
Ces moments magiques où la relation pédagogique cède toute la place à une relation d’amour qu’un coach doit transférer à la technique, effacent toutes les disputes et donnent une dimension exceptionnelle à notre rencontre, nous, enfants désirés par des parents nés de l’autre côté des ALPES, et au-delà de la Méditerranée.
ENTRE ALPES ET MÉDITERRANÉE IL Y A LE PAYS LE PLUS VISITÉ AU MONDE, le pays qui bat des records de fécondité et de jours où l’on fait l’amour ou la révolution ou simplement la grève, le pays où DES FEMMES BLONDES FONT POINT D’ACCORD ABSOLU ENTRE toi et ton coach qui, sur tous les autres sujets, jouissent d’assauts dialectiques.
Ce pays IMAAD tu en es le CHAMPION, pas seulement UNIVERSITAIRE mais INDOOR. Tu peux désormais t’aventurer à l’extérieur, tu peux oser faire exception, devenir un PHALLUS, c'est-à-dire courir plus vite que tous les hommes nés comme nous en Lorraine où accueillis en provenance d’autres provinces, pays ou continents.
Bonnes vacances, on se retrouve avec le Clan, le Cartel et la Sainte alliance quand ton tendon d’Achille et tout ton entourage auront digéré cet épisode inquiétant puis exquis.
Le troisième week end de mars, pour le stage PEPS à Vittel, il faudrait que tu sois prêt à repartir du bon pied.
Samedi je suis chez Laurent pour découvrir ALEXIANE puis j’ai une autre invitation à honorer sur un lac italien : tu as vu que ALBERT était là le 14 février avec le PEPS et lundi encore à UCKANGE quant tu as été fait citoyen d’honneur.
Ensuite il y a une réunion du comité directeur du PEPS le 11 avant un rendez vous impératif quasi kantien : l’anniversaire de MÉLU, date réservée entre toutes, le lendemain du repas du club qui sera encore une occasion de te célébrer, donc tu dis à Hélène que pour le Mont d’Or, elle attende que je sois en RETRAITE, c’est une question de jours.
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