Un écrit à deux mains : UN athlète CORRIGE son coach

IMAAD fait son premier 200 au meeting de YUTZ, à 20 ans, le 24/4/04.

22.32, vainqueur de sa course mais battu  au classement scratch par Juju CHOFFART, qui n’est pas connu pour ses qualités de pur sprinter alors que l’hiver Imaad a devancé D. MAZZON sur 60 qui est lui un excellent sprinter.

Imaad exténué par l’effort  JURE DE NE PLUS JAMAIS FAIRE UN 200 de sa vie.

Un mois plus tard je reviens à la charge mais sans succès : 22.45 le 20 mai, vent défavorable et un chrono équivalent, éole à l’appui : 22.11 quatre jours plus tard le 3 juin

«Vous voyez bien, coach, que le 200 n’est pas ma distance; pourquoi insistez vous sans m’écouter, vous ne voyez pas dans quel état de souffrance je suis à l’arrivée ? Je suis un sprinter court 60/100 pas un coureur de 200.»

«Je ne t’écoute pas parce que tu t’écoutes trop, tu ne fais pas assez d’effort, tu ne t’entraînes pas, et quand tu t’entraînes tu fais semblant, tu coupes ton effort avant la ligne y compris en compet sur 100.

Imaad tu n’es pas naturellement très rapide, tu es « seulement » très fréquent, donc pour être bon sur 100, il faudra que tu augmentes ton chemin d’accélération pour ralentir moins que les sprinters plus rapides que toi dans les trente derniers mètres du 100, et pour cela, tu dois accepter le 200...»

Je laisse passer 15 jours. En juin Imaad accepte de refaire un 200, et même deux :  22.11/ 22.18.

«Tu vois Imaad c’est mieux.»

«Et vous, est ce que vous voyez dans quel état de fatigue je suis ? je souffre terriblement mais vous n’en faites qu’à votre tête. Non seulement c’est long, mais en plus je vire mal, pourtant vous me faites courir en virage à l’entraînement, mais ce n’est pas mon truc, je n’y arrive pas.»

Je laisse passer encore 15 jours et je remets la pression en juillet : 21.72 vent favorable et 22.06 vent régulier.

«Tu vois tu peux courir en moins de 22 Imaad!»

«Il y avait 3M60 de vent dans le dos alors que sur 100 je fais 10.89 sans aide du vent et 10.84 avec +2.2 et quand j’ai fait 10.67 à Nancy il n’y avait pas 4M50 de vent favorable Les autres concurrents ont tous couru dans leur PB du moment et j'aurais été le seul  à profiter du vent? Ce doit être l’anémomètre qui fonctionnait mal. Je ne veux plus courir sur 200 ça me fatigue trop pour le 100. Aux France à Niort ne m’inscrivez pas sur 200 et vous verrez ce que je peux faire sur 100 ; pour une fois écoutez moi»

«Même si tu fais 10.67 vent régulier je continuerai à te demander de courir le 200 mais bon ok pour le 100 seulement à Niort. Pour cette année c’est fini, plus de 200. Je ne demande pas ta qualif sur 200»

C’est vrai coach ? je n’ai que le 100 à courir ? Vous allez voir de quoi je suis capable quand mon coach m’écoute et me fait confiance.

Niort championnats de France espoirs,  faux départ, en séries du 100; Imaad est effondré ; nous avons notre première discussion profonde ; je l’ouvre à des explications qui sont loin de la technique.

Là nous entrons dans le top secret de la relation entraîneur entraîné : je ne peux pas révéler notre échange mais une heure après cet échange Imaad NON QUALIFIE sur 200 était au couloir 1 au départ d’une série du 200.

Il est parti tellement fort qu’il s’est retrouvé couloir 2 dans le virage mais les juges ne l’ont pas disqualifié ; à l’arrivée le chrono 21.98 est un pb mais c’est insuffisant pour aller en finale.

Je cours retrouver Imaad à la sortie « athlètes » je le félicite pour son chrono et son courage, je lui explique la valeur de sa performance en la contextualisant, je lui dis que la saison est terminée, qu’il a fini de souffrir et il me répond qu’il n’est pas fatigué, pas satisfait de sa saison mais qu’il va me garder comme coach un an de plus, si je lui parle et agis comme je l’ai fait après son élimination pour faux départs et il me remercie de lui avoir parlé.

Oui coach je reste en Lorraine un an de plus, je vais refaire une année de spé pour décrocher une grande Ecole nationale d’ingénieur à Paris ou Toulouse.

Hiver 2005

Je programme 60/200.

Sur 60 pas de problème : Imaad progresse à 6.93 et s’approche à 2 centièmes du record de Moselle mais sur 200, le débat que je pensais clos reprend.

Pour aider IMAAD je programme une compet sur 200 à Luxembourg, piste rapide, et je convoque toute la famille HALLAY, sa mère en tête, pour le motiver.

Rien n’y fait : 22.57 et une demi heure allongé par terre avant de remonter dans les tribunes avec une tête d’enterrement.

Le conflit rebondit et dure toute la saison estivale qui s’achève sur un médiocre 21.90

HIVER 2006

Imaad n’est ni à Paris ni à Toulouse, il est à L’INSA Strasbourg, il refuse de s’installer à Strasbourg où il pourrait être coaché par l’excellent Pascal Lacombe, vers qui je l'ai orienté.

Le conflit s’éternise. 22.58 indoor, je me mets à douter moi même et l’aide d’un psy ne me sort pas du doute mais me permet de continuer à contrarier Imaad en lui reprochant de ne pas s’entraîner assez

ÉTÉ 2006

10.54

«Alors coach ?

Vous ne me pensiez pas capable de faire 10.54. J’ ai fini par dépasser vos espérances et vos attentes ? MOI je suis conforté dans ma pensée de ne pas être un coureur de 200m»

Et si Imaad avait raison ?

Ses chronos 100/200 ne vont pas ensemble, ils donnent raison à IMAAD et j’ai tort de l’entraîner comme je le fais en lui imposant un programme aérobie et anaérobie qu’il supporte mal et qui n’est pas adapté à un coureur de 60/100

10.54 ! Comment a-t-il pu courir aussi vite avec aussi peu de technique, aussi peu de puissance, aussi peu de séances ? Deuxième conversation top secret.

Le 25 JUILLET à Reims 21.44, cette fois c’est moi qui suis en larmes, et je n’ai pas le temps de les sécher que Imaad est déjà de retour dans les tribunes, pas plus fatigué que cela ME SOURIT IL en coin, alors que je viens de le voir de mes yeux faire un énorme effort.

«C’est vraiment vrai ce que vous m’avez dit coach ?»

«Oui Imaad. Un monstre de coach te maltraite physiquement et psychiquement mais jamais il ne te ment, car il perdrait ta confiance.

Te maltraiter, oui cela peut m’arriver, te mentir, jamais ; je pense que ta sélection en équipe de France espoire est acquise et je pense que si tu cours le 100 m à Pilsen comme aujourd’hui tu as couru le 200 en refusant que Nivollet te décroche, tu termineras fort, au niveau des autres sélectionnés français qui t’ont devancé à Niort»

Quatre jours plus tard coup de fil de Tchécoslovaquie

«10.46 +2M70 coach, je suis le meilleur Français et j’ai aussi battu les Tchèques mais deux Espagnols sont devant moi»

Hiver 2007

Vice champion de France UNIVERSITAIRE en salle avec 22.09 sur l’anneau peu rapide (sur 200) de Vittel donc je me dis que cette fois nous sommes en accord... sur le 200. Mais pas sur la quantité d’entraînement, ni le niveau d’investissement.

Le conflit resurgit l’été et il faut l’intervention de l’ami SERGE DAL BON pour emmener Imaad aux championnats de France à Tourlaville.

La saison estivale se termine sur un 10.56 à Dudelange en début de saison le 16 juin et Imaad me fait savoir avec un sb hallucinant de médiocrité à 21.98 que c’est lui qui décide des chronos sur 200 et pas mon programme MAIS il ajoute

«J’ai transféré mon dossier de Strasbourg à une école nationale d’ingénieur à quelques stations de tram du ……. CREPS DE LORRAINE... où s'entraîne le CLAN »

Hiver 2008

Nous fumons le calumet de la paix, Imaad a pris sans que je lui demande LA DÉCISION avec ce transfert universitaire. Il va pouvoir enfin s’entraîner plus et mieux, nous retrouvons notre complicité des grands jours.

Qui aussitôt paye cash

21.63 rec de Lorraine indoor égalé.

Mais l’été est encore un été à problèmes : Imaad accuse le vent défavorable et moi j’accuse Imaad, qui ne supporte pas mes critiques.

«Je suis revenu à Nancy, je m’entraîne plus et cela ne suffit pas, que dois je faire de plus pour que vous soyez satisfait»

«Non ça ne me suffit pas et avec ton cerveau, tu dois trouver tout seul ce que tu dois faire pour satisfaire un coach monstre »

2009

Médaille sur 200 indoor PB 21.56 et l’été trois fois 10.48 et 21.32… tout baigne, c’est le grand amour.

CETTE FOIS je me dis que plus rien ne va faire obstacle car à Lievin IMAAD a été monstrueux, il a exécuté à la lettre un scénario de course imaginaire monstrueux, il a même été au-delà de l’imagination d’un coach monstrueux.

L’été malgré le double « faux départ » angevin tout va bien jusqu’au débriefing qui déterre la hache de guerre qu’un double voyage Allemagne Belgique Suisse enterrera.

Pour toujours ?

ERREUR ……

L’Hiver 2010 est tellement conflictuel que je cède sur mon désir et accède à celui d’Imaad quand pour la seconde fois de notre relation passionnée il est à deux doigts de la rupture...

L’Argentine et les USA sont des destinations qu’il a envisagées, il ne supporte plus son monstre de coach, il envisage même de stopper sa carrière.

Nous nous mettons d’accord pour faire du 60, pour ne faire que le 60 à Bercy après 6.82 RECORD DE MOSELLE battu une fois en 2007, une fois en 2009, deux fois en 2010

«Un 200 par jour j’aurais été d’accord coach mais cette année c’est deux de suite à BERCY. Deux 200 m dans la même journée, ça va pas être de la tarte. C’est dangereux surtout avec mon tendon qui me fait souffrir en virage ; à la limite je peux courir les séries du 200 à bloc puis faire semblant en finale pour faire le 60 dimanche .»

«Ok pour le 60 Imaad .»

MAIS…. comme je suis un coach monstrueux, quelques jours avant Bercy… je reviens à la charge : nouvelle conversation top secret qui se termine par :

« sur les deux distances tu peux faire un chrono ou te blesser mais sur l’une des deux IMAAD tu peux être au rendez vous de ton désir et du mien »

«Ok coach j’ai compris j’opte pour le 200 et pas le 60»

Ce n’est pas une obligation impérative, je demande ta qualif sur les deux distances et tu choisiras seul ; aux journalistes tu dis que c’est la bursite qui te fait hésiter.

BERCY samedi séries

«Tu cours si tu veux IMAAD…. si tu as mal c’est ton droit absolu de renoncer et si tu veux un jour de plus de repos tu cours le 60 demain dimanche.

«J’ai mal mais je DÉSIRE courir le 200 aujourd’hui .»

21.44 meilleur temps des séries mais Imaad boite, pas le temps de savourer le nouveau record de Lorraine, je dégringole les escaliers pour rejoindre Imaad à la sortie athlètes ; il tarde, il est peut être à l’infirmerie, course à l’infirmerie, il n’y est pas, retour à la sortie athlètes, il n’y est pas, il a dû remonter dans les tribunes pendant que je suis allé à l’infirmerie, je remonte dans les tribunes mais il n’y est pas, je constate les visages irradiés de bonheur de ses supporters, il faut que Imaad PUISSE VOIR CE QUE JE VIENS DE VOIR. Vite je redescends au sous sol, sortie athlètes, pas d’Imaad, le vigile ne veut rien savoir, impossible d’aller à sa rencontre, alors j’attends en grisonnant quelques uns de mes derniers cheveux encore noirs jusqu’à ce qu’il arrive en claudiquant.

Je ne peux pas le serrer longtemps dans mes bras ni débriefer sa course car l’urgence est médicale, seulement quelques mots pour lui faire entendre une énonciation pleine d’émotion, PUIS TRÈS VITE il faut se ressaisir.

«Alors Imaad que fait on ? C’est à toi de décider car moi je ne peux pas ressentir ton tendon. Tu viens de faire quelque chose d’inoui, moi cela me suffit pour… TOP SECRET... je ne serai pas déçu si tu ne cours pas la finale, suis moi, vite, nous allons voir les kinés.»

Je le laisse entre les mains expertes et je me mets dans un coin tranquille pour réfléchir vite car le temps presse.

Il peut faire une médaille ou gagner donc il va avoir envie de courir, il le sait, pas besoin de dire des mots de motivation, mais il faut que je lui dise de ne pas franchir la ligne jaune, une blessure serait catastrophique, une défaite le frustrerait certainement mais une médaille d’argent ou de bronze pourrait passer avec la bursite et le manque d’entraînement, une quatrième place en revanche serait un échec que son ego digérerait mal.

Donc je vais le féliciter encore lui redire que sa saison indoor est déjà réussie, prendre l’avis des kinés, le sien et m’y associer.

Imaad descend de la table de massage

«Alors ?»

«Ils me disent que je peux décider de courir, ils m’ont bien strappé, au point que la mobilité articulaire est réduite, je vais devoir changer l’inclination habituelle du block.»

«Donc tu cours, tu es certain, la douleur n’a pas augmenté, tu es raisonnable ?»

«Oui je sens que ça tient.»

«Ils t’ont massé ?»

«Non .»

«Tu t’allonges là sur le sol, tu respires, tu fermes les yeux, je vais te masser pour faire circuler le sang qui éliminera les toxines de tes quadris, ischios et des deux jumeaux, ce premier massage est pour te défatiguer, puis je vais te masser la plante des pieds et le bout de tes orteils, c’est pour te relaxer et reconstituer ton énergie nerveuse, ensuite il faudra que tu fasses l’effort de remonter dans les tribunes pour constater le bonheur que tu es capable de générer, mais il va falloir faire tout cela vite fait, car l’horloge tourne.

Après je te laisserai seul avec toi même, sauf si tu veux que je te regarde te ré échauffer, tu n’as pas grand-chose à faire après ce 21.44 record et ce massage, tu es fin prêt pour mentaliser.»

«Plus la peine de m’accompagner au terrain d’échauffement, coach, aux championnats de France Élite je suis désormais chez moi, à ma place.»

BELLE PHRASE Imaad je la note, un coach sait entendre une telle phrase d’athlète.

Ma dernière phrase de coach, moi je te la dirai comme d’hab, au dernier moment Imaad.

Quand Imaad quitte une tribune surexcitée de plaisir, il est seul, il n’a pas besoin que je redescende et remonte pour rien les escaliers pour lui, jusqu’au terrain d’échauffement en sous sol car à votre AGE me dit il, il faut  se ménager.

Pas de doute il est serein, il me chambre, je pourrais ne plus rien dire. Mais je suis un coach trop bavard et ma dernière phrase est déjà claire dans ma tête, je n’ai qu’à ajouter que

«Les perfs des athlètes sont mon bain de jouvence»

puis plus sérieusement

«jamais je n’ai attendu à la sortie athlètes, un sprinter classé second à un championnat Élite senior. Seulement des classés troisièmes. Jamais un athlète deux fois médaillé Élite or tu étais médaillé 2009. Troisième ou deuxième tu ferais exception dans la carrière d’un monstre de coach »

Imaad sourit des yeux, il comprend entre les mots, il connaît tous mes trucs, il sait pourquoi je ne lui demande pas de gagner....

Ce moment de grande complicité vaut de l’or, sans jeu de mots, puisque ces mots nous nous interdisons de les prononcer.

Imaad sait que la victoire s’obtient avec la part d’inentrainable qui appartient seulement à l’athlète ; je lui ai dit et répété que c’est Gérard Miller qui m’a enseigné cela. Bertrand Hozé a parlé à Imaad il y a peu, il m’a parlé mercredi soir, l’avant-veille du départ, pour rappeler à l’athlète et au coach cette condition de la réussite « que le coach laisse une place au désir de l’athlète »

Bercy Finale….. l’indicible

Je suis tellement soulagé que je ne regarde même pas le chrono, je bats mon record pour descendre les escaliers et j'attends Imaad, heureux d'attendre, moi qui souffre de l'urgence du temps à un simple feu rouge.

Je repense à toutes nos disputes, je ne suis pas très fier de tous mes arguments.

Alors je pense à  MELU, nerveuse dans les tribunes, qui a fait tomber  dans les entrailles de BERCY mon agenda avec les chronos des rivaux de IMAAD et les photos des psy américains, que je dois envoyer au producteur du film THE SPEED CITY. Elle  m'a dit "je suis en sueur "  dans un éclat de rire sans se rendre compte du bonheur que  cette complicité père-fille me procure...

Comment remercier IMAAD pour ce cadeau  ?

Il tarde à sortir, je refléchis à des solutions   pour  récupérer les précieux documents et mon agenda que les services techniques ne pourront ressortir de sous les gradins que dans la semaine.

Je téléphone comme d'hab  à une interlocutrice prioritaire qui  aujourd''hui est à l'autre  bout de PARIS, j'appelle la presse régionale, je réponds aux sms, toujours pas de champion de France en vue dans le couloir.

J'attends, j'attends, cette attente là ne me pèse pas.... je repense à Laurent chez qui je dois aller samedi  découvrir Alexiane, à Magali déjà au paradis des sprinteuses,  Imaad tout seul a fait mieux que mes deux précédents signifiants majeurs, il faut que je  retéléphone à Frankie, et au Guinf qui a promis à Imaad de le balader en FERRARI,   je préviens aussi l'hôtel et le restaurant, je les informe, j'insiste, on a compris Monsieur, on va  accueillir votre athlète comme un champion de France,  les images défilent dans ma tête, je suis déjà dans l'après coup, les idées me viennent à vitesse grand  V,  des collègues coaches me tapent sur l'épaule en passant , le tel sonne mais 

IL  ARRIVE... TOP SECRET    

Bercy se vide... demain  retour sur METZ.

Nouveau débat, à trois contre un...

Vendredi un journaliste rapporte les propos d’Imaad dans son journal. Son monstre de coach savoure d’abord le titre ensuite un commentaire d’Imaad sur le niveau moyen d’un chrono pour un champion de France.